PLANS DÉBRIDÉS ; (ONIPOOL).

L’ironie de cette soirée c’est que je suis entrain de me foutre de sa gueule de façon monumentale et qu’il ne se doute de rien, mais t’es pas dupe toi hein ? Wade est là, sur le siège proche du comptoir de ce bar miteux du Bronx, l’un des meilleurs endroits pour se foutre une murge. Enfin à ce qu’il paraît. Il a beau avoir tout essayé, jamais il a réussi à être ivre depuis son cancer, tout est passé, la drogue, les médicaments, et d’autres choses moins conventionnelles. Rien, jamais, même pas des fourmis dans le bout de ses doigts, et ça le fait bien chier. Il s’est donc fait une raison. Continue de le faire boire, il va bientôt tomber. Non, mais arrête, le pauvre. Ferme ta gueule toi. Sempiternels débats intérieurs qui le rongent mais qui cette fois le font marrer. Ouais il se marre, il fait semblant d’être bourré pour qu’il puisse mieux faire tomber son… pote ? On peut appeler ça comme ça ? Ouais ça, ce mec c’est ça, une chose qui lui a servi de vidoir pendant une nuit. Il regarde l’autre, complètement content de ses conneries, fier également d’avoir réussi ; au moins il ne passera pas une autre soirée seul à se morfondre en bouffants des pots de glace devant des comédies romantiques à la con à la télévision.

Au début c’était simplement un idée merdique, il voulait juste passer du temps avec quelqu’un, puis il a eu l’idée d’appeler Ambroise, ce fameux bon vieux coincé du cul. Premièrement il n’avait pas du tout prévu de sortir dans un bar, deuxièmement cette folie est venue, soufflée par la méchante voix, cette connasse éternelle qu’il écoute un peu plus que la gentille parce que c’est plus fun d’être un enfoiré avec tout le monde et que ça le fait marrer. Deuxième verre qu’ils s’enquillent tous les deux, c’est comme si Wade n’avait bu que de l’eau, avec un sirop goût whisky. Le plus drôle dans l’histoire c’est que l’autre ne comprend pas. Ou plutôt il tombe dans le panneau. Ouais ça doit être ça. « Hé mec, la même chose, qu’il hurle d’une voix tonitruante dans le bar, faisant se retourner tous les piliers dans sa direction. » Pour seule réaction, un doigt qui se lève lentement et lui qui vient le lécher sensuellement en les regardant tous pour ensuite l’exhiber devant eux, les insultant au passage. Un jour ou l’autre il va finir par tomber sur quelqu’un qui lui foutra une bonne raclée, mais il n’attend que ça, une occasion en or pour pouvoir enfin se défouler.

Lentement mais sûrement ça va finir par partir en live, et ça va être grave drôle, j’te promets que tu vas te marrer. Les verres arrivent devant eux, presque pleins, autant que leurs têtes sont pleines d’envies diverses et variées. Wade soulève le sien avec toujours ce sourire insolent aux lèvres, fixant son regard noisette dans celui de l’autre, soulevant l’une de ses arcades sourcilières afin de faire le pitre. « A la tienne, encore une fois. » Et pour joindre la parole au geste, il approche le verre de sa bouche pour se descendre deux grandes rasades de son whisky avant de le reposer sur le zinc. Tout ce qu’il espère que c’est que la soirée dégénère, dans un sens comme dans l’autre, qu’il y ait de quoi s’amuser et surtout, péter la baraque. Wade est parfois un peu trop violent, mais il aime ça, il aime que ça parte en vrille. T’en fais pas, ça va vite arriver mon pote. Ouais, ça il n’en doute pas, avec ses pulsions actuelles, il va bien finir par faire en sorte que ça déglingue, et le plus vite sera le mieux, pourtant il préfère ne pas confondre vitesse et précipitation. Tout vient à point à qui sait attendre comme disait l’autre mièvre de la cour royale française.