wish i was there / illyana

Illyana observait cette pâte sans consistance qu'était sa sculpture. Lentement, ses mains se mirent au travail et elle ne savait pas vraiment ce qu'elle faisait, elle se laissait guider. Elle détestait ce cours. Son frère était son professeur et elle détestait ça. Non pas qu'elle n'aimait pas l'école. Pendant longtemps, elle avait été excellente, en Sibérie lorsqu'on a la chance d'avoir une école à proximité, on est heureux d'y aller. Avant, elle aurait tout donner pour sortir de cette région désertique et intégrer une université de l'Ivy League. C'était son père qui lui avait dit qu'elle avait le potentiel d'y aller si elle travaillait dure. Ils avaient toujours voulu qu'elle fasse de grandes études. Maintenant qu'ils étaient morts, elle se demandait si ce rêve était mort avec eux. Elle gardait des notes excellentes, mais elle n'avait plus cette ambition dévorante qui l'avait animé étant plus jeune. Elle sursauta lorsqu'on sonna la fin du cours et baissa les yeux sur son œuvre. Le visage de Bélasco la contemplait avec ce léger sourire qu'elle connaissait tant. Ce sourire qui voulait toujours dire qu'elle allait souffrir. Sans attendre, elle le fourra dans son sac et commença à partir le plus vite possible. C'est alors que son frère l'appela et elle poussa un soupir qui aurait put être entendu par toute l'école et se tourna vers lui. Sans un regard pour lui, elle s'assit sur une table, balançant son sac sur une autre et balança ses jambes d'avant en arrière, ses bottes noires éraflant parfois le sol.

Elle détonnait dans cet univers trop bien rangé. Elle avec ses cheveux presque blancs, ses vêtements noirs presque gothique, sa nonchalance ou son asociabilité. C'est alors que son frère lui demanda si elle allait bien dans sa langue natale. Elle eut un petit rire sardonique pour la première fois depuis le début du cours, le regarda avant de lui lancer « Вы заинтересованы сейчас?» Elle regarda un moment ses ongles vernis d'un noir ébène avant de soupirer bruyamment. Parler russe avec lui, lui rappelait son enfance et elle n'avait pas envie de se rappeler de ce moment-là de sa vie. S'il avait été là, ils ne seraient pas morts et elle n'aurait pas été enlevé. Il l'avait abandonné, elle et ses parents là-bas. S'il avait été là, ils ne seraient pas morts et elle n'aurait pas été enlevé. Il avait préféré ce monde-là, bien rangé, utopique. Il l'avait laissé elle alors que dans ses lettres, elle l'avait supplié comme jamais elle n'avait supplié personne de revenir. Même alors qu'on la torturait psychologiquement et parfois même physiquement, même lorsque la magie noire l'étouffait, elle avait cru qu'il allait venir. Lui, son ancien prince charmant. Comment avait-elle pu croire un jour à ces sornettes ? La seule personne qui peut la sauver, c'est elle-même. Elle en avait eu la preuve là-bas. Elle répondit alors à sa question, un léger sourire aux lèvres, un sourire trompeur, venimeux « Je pense à ce cours comme je pense à tous les autres cours ; ennuyeux.» C'était un coup-bas, elle voulait le blesser. Elle voulait le blesser comme il l'avait blessé. Soudainement, elle eut envie de faire éclater toutes ces statues et œuvres d'art. Elle pourrait le faire d'un claquement de doigts. Ce serait si facile. Cependant, elle ne le pouvait pas. Ce serait puérile et il ne le valait pas.

Sans attendre sa réponse, elle sauta de la table pour atterrir sur ses pieds et reprit son sac qu'elle lança sur ses épaules. De sa poche, elle sortit une sucette à la fraise et savoura sa saveur. Cela l'empêchait de trop parler, de lui hurler à la figure. Elle vérifia que tout était en ordre dans ses affaires et s'avança vers la porte avant de dire à son frère d'un ton faussement enjoué, elle était passée maître dans l'art des apparences trompeuses « C'est bon, tu as fait ton devoir de bon samaritain, tu peux te reposer soldat.» Lui lança-t-elle d'un ton clairement moqueur. Il ne s'intéressait pas vraiment à elle, il essayait seulement de ne pas se sentir coupable et elle détestait ça. Elle s'adossa contre la porte et lui demanda d'un air faussement intéressé « Tu n'as pas d'autres pauvres innocents à sauver ? Après tout, c'est ce que tu fais de mieux, n'est-ce pas Colossus ?» Elle savait qu'il comprendrait qu'en n'utilisant pas son prénom comme une personne normale, elle lui indiquait qu'il n'était plus son frère, mais seulement cette entité de métal. Son frère Piotr ne l'aurait pas abandonné, il aurait été au bout du monde pour la chercher et la sauver, mais Colossus, lui, il avait fait un autre choix et elle n'allait pas lui faciliter la tâche. Il ne pouvait pas lui demander de le traiter comme un frère alors que lui, il l'avait abandonné. S'il avait été à sa place, elle l'aurait cherché encore et encore jusqu'à le retrouver.  

 Comment pouvait-on détester et aimer quelqu'un ? Comment son cœur pouvait-il supporter cette douleur constante dans sa poitrine. La plupart du temps, Illyana arrivait très bien à anesthésier ses sentiments, c'était même son jeu favori. Parfois, elle avait même l'impression de ne plus rien ressentir, c'était dans les Limbes qu'elle avait appris à faire ça. Plus elle montrait des sentiments, plus Bélasco prenait un très bon moyen de briser cette émotion. Elle avait été sa poupée et malgré les tortures et ses actes ignobles, elle avait apprécié ses enseignements magiques. Elle était devenue la Gardienne des Limbes et pour ça, elle ne devait pas laisser ses émotions interférer. À moins que ce ne soit une excuse pour elle. Peut-être que la petite-fille en elle n'avait pas envie de décevoir son frère si héroïque. Elle enviait sa capacité à faire le bien tout le temps sans arrière-pensée, sans calcul de sa part, sans réflexion. Elle n'était pas comme son frère, avant qu'on l'enlève peut-être, mais elle ne l'étais plus et ça, c'était douloureux. Illyana eut un petit sourire et répondit à la question de son frère non sans son air glacial « Mon frère est mort lorsqu'il n'est pas venu me chercher, me sauver.» Il était sa seule famille et il l'avait déçue. Elle ne lui pardonnerait jamais.

Elle eut un petit rire en l'entendant avouer qu'il savait qu'elle lui en voulait. Bien sûr qu'elle lui en voulait, tout le monde le savait dans cet Institut. Elle se sentit agacer lorsqu'il tenta d'expliquer qu'il avait sauvé le plus grand nombre à son détriment et elle le coupa rapidement « C'est ce que je vais faire Colossus, te haïr tout le reste de ma vie.» Elle était tellement en colère qu'elle en avait les larmes aux yeux. Ca faisait si longtemps qu'elle n'avait plus ressenti cette émotion. Elle avait espéré, et même lorsqu'elle était revenue, il n'avait pas trouvé les mots justes et il ne pouvait pas effacer ce qu'il s'était passé là-bas. Il ne pouvait pas imaginer ce qu'elle avait vécue alors elle lui cracha « Tu aurais dû être là avant, maintenant, je n'ai plus besoin de toi. J'avais besoin de toi là-bas.» Lentement, elle se rapprocha de lui et elle sentit la magie monter en elle et remplir la pièce d'une atmosphère glaciale alors que le soleil brillait dans le ciel « Je vais te remercier quand même, car tu m'as donné une bonne leçon ; la seule personne qui peut me sauver, c'est moi. La seule personne que je devrais croire, c'est moi. La seule personne qui m'est loyale, c'est moi.» Elle prit alors une brève inspiration et reprit le contrôle de la magie. Le froid disparut pour laisser place à une douce chaleur.

Elle recula alors et s'assit sur une des tables, juste en face de lui. Sa colère était passée. Elle est redevenue la glaciale Illyana. Elle jeta un regard à la fenêtre à sa droite montrant une nature florissante. Elle n'arrivait pas à utiliser une magie réconfortante, la bonne magie. Sa magie à elle est un désastre, un monstre assoiffé de sang n'arrivant qu'à créer du chaos autour d'elle. Bélasco avait fait d'elle un monstre. Elle était un monstre. Sa magie à elle est un désastre, un monstre assoiffé de sang n'arrivant qu'à créer du chaos autour d'elle. Elle reprit alors la parole « Fais plutôt attention aux gens dehors. Je n'ai plus besoin de toi. De toute façon, c'est eux que tu mets en priorité n'est-ce pas ?» Après un moment de silence, elle ajouta « Tu ne veux pas savoir comment je me sens Colossus alors ne demande pas. N'essaie pas de jouer au grand-frère avec moi quand tu as failli au seul devoir que la Nature t'avait donné me concernant.» Il n'était plus son frère. Ils ne seraient plus jamais comme avant. Elle n'oublierait jamais sa trahison.

C'était étrange. Elle avait déversé sa haine et sa colère et elle ne se sentait pas mieux. En fait, elle se sentait même un peu triste. Elle détestait voir son frère si défait face à elle, elle voulait qu'il réagisse et tape du poing contre la table. Le voir si résiliant la concernant était tellement étrange. Il admettait tout ce qu'elle lui disait, mais il ne lui disait rien en retour. Il n'y avait plus rien. En fait, Illyana avait envie d'avoir cette confrontation parce que ça lui aurait permis d'extérioriser tout ce qu'elle ressentait à l'intérieur d'elle, mais cela ne servait à rien et elle s'en rendait compte maintenant. Non pas qu'elle n'était plus en colère et amère envers son frère, mais elle, se rendait compte que ce besoin constant de lui faire des reproches n'étaient pas sains et elle n'avait plus l'énergie pour le faire. Elle n'avait plus l'énergie de se remémorer le passé pour lui faire tous ces reproches. Elle lui avait déjà tout dit. C'est sa dernière parole qui l'atteignit en plein cœur. Elle lui avait montré une petite partie de ce qu'elle cachait au fond d'elle et il l'acceptait. Il l'acceptait parce que lui, c'était un véritable héros et qu'il ne savait pas ce qu'elle avait fait. La culpabilité vint comme un étau resserrer son cœur.  

Illyana descendit de sa table et remit son sac à dos sur ses épaules. La sculpture pesait lourd pour elle, mais elle n'en avait rien à faire. Elle avait les yeux rivés sur ce frère qu'elle aimait, mais qu'elle n'arrivait pas à pardonner. Un frère qui la détestera lorsqu'il connaîtra sa vraie nature. Soudain, avec un nœud dans la gorge, elle se racla celle-ci et dit d'une voix presque douce à son frère « Tu est ma seule famille, Piotr.» Elle prononça le prénom de son frère avec ce léger accent russe. C'était étrange de le prononcer à voix haute, cela faisait si longtemps qu'elle n'avait pas osé le faire. Elle s'arrêta en face de lui et l'examina légèrement du regard avant de rajouter « J'ai besoin de temps pour te pardonner.» Le temps qu'elle pouvait plier à sa volonté, le temps qui semblait toujours lui manquer. Lorsqu'elle était rentrée de ses enlèvements, elle avait plusieurs fois pensé au suicide, mais lorsqu'elle avait pensé à la réaction de Piotr, elle avait tout de suite renoncé. Bélasco ne méritait pas qu'on meure pour lui. Ici, elle pouvait se racheter et essayer d'être une bonne personne.

Maladroitement, elle tapota l'épaule de son frère, en un geste qu'elle espérait amical et partit de cette salle de classe étouffante. Ce n'est qu'une fois loin de son frère, et une fois qu'elle fut sûre que personne n'était dans les parages qu'elle autorisa une larme à couler le long de sa joue. Elle ne savait même pas pourquoi elle pleurait, mais cette seule larme était une faiblesse, elle devait être forte pour être une héroïne. Les héros ne pleurent pas, n'est-ce pas ?