To you alone - Allyana Rasputin

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Andrew gisait là, dans ce lit qui n’était pas le sien. La lumière du petit matin perçait à travers les rideaux épais et le silence était régulièrement rompu par une voiture, un klaxon, on ronflement. Il regardait l’autre dormir. Son beau visage enfoncé dans son oreiller, la courbure de son dos, la cordillère de ses vertèbres, la vallée du creux de ses reins, les tumuli de ses fesses, ses longues jambes tranchées d’un rayon de lumière. Un rapide coup d’œil sur son téléphone pour s’assurer qu’il n’était pas en retard, et Andrew se rendormit à côté de lui, un bras par-dessus les épaules de l’endormi, le nez dans ses cheveux. Il fallait s’emplir de son odeur, de sa présence, de sa chaleur, car on ne savait jamais quand serait la prochaine fois.

Il fallait profiter de ces moments, fruits du hasard artificiel d’une rencontre digitalisée qui pairait les uns avec les autres sans trop se soucier du reste. Ils étaient tous là pour une chose et une seule, ils laissaient de côté tout le reste dans l’accord tacite qu’ils ne seraient jamais faits l’un pour l’autre. Et cela valait pour tous ceux que l’on pouvait rencontrer ainsi. Ces hommes qui rythmaient le quotidien, ils ne représentaient rien de sérieux, rien de durable. Sinon on les aurait rencontrés autrement, de n’importe quelle autre manière tant que ce n’était pas sur ces applications prévues pour les rencontres sans lendemain.

Comment rencontrer ceux qui promettaient plus qu’une petite mort un soir de semaine ? Andrew ne le savait pas. Au détour d’une rue, au supermarché, les hommes étaient foison, mais pour tous ceux qui plaisaient à Andrew, à combien plaisait-il ? Avec combien serait-il possible d’envisager quoi que ce soit de réciproque ? Combien se vexeraient à l’allusion qu’ils puissent être si peu masculins qu’ils aiment jouer le rôle d’une femme ? C’était un comptage impossible.
Impossible donc de savoir comment éviter la solitude si ce n’était au travers de ces rencontres rapides, salissantes et sans lendemain. Et en fin de compte, pourquoi se fatiguer à vouloir trouver l’âme sœur quand il y avait tous ces célibataires près de vous prêts à vous aimer sans engagement et presque sans contrepartie pendant quelques heures ? Ce calcul-ci était vite fait.

C’était une solution temporaire, de remplacement, car il valait mieux être ponctuellement mal accompagné que constamment seul. Elle conviendrait tant que l’on ne se posait pas trop de questions, tant que l’on n’y réfléchissait pas trop. Elle conviendrait tant que l’on réussirait à se persuader que peut-être, un jour, une rencontre durerait plus qu’un seul soir. Elle convenait à Andrew quand il se réveillait, désormais en retard. Il s’arracha difficilement à l’étreinte du dormeur imperturbable (ou bien était-ce celle du lit qui lui manquait déjà ?), s’habilla et parti. Dehors la lumière du jour brillait trop fort, les voitures roulaient trop vite, les gens parlaient trop fort, il aurait bien fait demi-tour pour se coucher, l’atmosphère endormie de cette chambre inconnue lui manquait. En claquant la porte derrière lui, il avait lâché un « On s’appelle ! » mensonger, car cela avait généralement peu de chances d’arriver.
Quinze minutes à vélo, une douche et à nouveau dix minutes de vélo plus tard, et Andrew était finalement pile à l’heure. Il entrait dans le diner, ce restaurant à l’allure 60s indémodable, au carrelage noir et blanc, aux banquettes rouges en plastique et aux serveuses peu aimables en tablier blanc qui servaient café en continu tant que l’on commandait à manger.
Il s’installait donc à une table, demandait 2 menus, et attendait qu’elle arrive, Illyana. J’y suis, je suis à une table à l’intérieur lui envoyait-il par SMS, en attendant.

To you alone

Le vide, la culpabilité, elle s'était habituée à ces sensations. Elle devait s'y habituer à la moindre perte de contrôle de ses émotions, elle pourrait faire venir l'Enfer sur Terre. Même sans les démons qui hantaient son royaume, elle pourrait utiliser la magie noire qu'on lui avait appris pour détruire tout ce qu'elle avait un jour connu. Pour son frère, être gentil semblait inné, comme si c'était dans son instinct. Elle regrettait le temps où elle ressentait la même chose, où elle ne se battait pas contre elle-même pour être quelqu'un de bien. Seule, dans sa chambre, elle jeta un regard à l'épée posé sur son bureau. Le métal rayonnait et elle était aiguisée à la perfection. La magie la rendait parfaite. Elle ne pouvait pas tuer des êtres humains normaux ou des mutants avec cette épée, mais elle pouvait tuer les créatures magiques et c'était déjà ça. Lorsqu'elle partait en mission, elle emportait l'Épée de l'Âme, mais aussi une autre épée qui pourrait tuer les êtres humains, elle. Son regard vint ensuite sur le pot de fleurs posé à côté de l'épée. La rose qui avait pousser était fanée, morte. Comme la partie bonne et innocente d'elle-même. Sans se lever de son lit ou bouger un petit doigt, le pot valdingua sur le mur et vint s'écraser dans un grand bruit contre celui-ci.

Illyana regarda l'heure et lâcha un juron. Elle était en retard et si elle prenait le bus maintenant, elle n'arriverait pas à l'heure. Elle allait devoir user de ses pouvoirs finalement et faire un petit arrêt dans les Limbes. Si elle arrivait assez précisément à atterrir sur un endroit sur Terre, elle n'arrivait pas encore à le faire dans les Limbes alors elle espérait ne pas tomber dans un lieu glauque. Sans attendre, elle forma un grand disque lumineux sur le sol et après une brève inspiration sauta dedans. Illyana roula sur le sol et se retrouva devant la citadelle. La citadelle de Bélasco. Elle eut un grand frisson et s'efforça de rester calme. Ce n'était plus la citadelle de ce monstre, c'était la sienne maintenant. Elle l'avait destituée de tout pouvoir. Elle n'allait pas s'attarder ici plus que nécessaire et elle sentait les regards des démons sur elle alors elle fit un autre cercle lumineux où l'on pouvait apercevoir une petite ruelle déserte. Sans attendre, elle courut vers le cercle qui se referma derrière elle. Elle s'épousseta légèrement et espéra que ses cheveux n'étaient pas trop décoiffés non pas qu'elle s'était préparée pour Andrew, mais cela ne se faisait pas de ne pas être présentable. Elle reçut alors un message de la part de l'intéressé et elle s'empressa de contourner la rue pour entrer dans le restaurant ou plutôt, le fast-food.

Elle adressa un sourire au serveur qui la regardait et se tourna alors vers Andrew. Il était celui qui lui avait appris ce qu'elle devait savoir sur la culture américaine et le seul qui la sortait de sa zone de confort. Être avec lui était généralement reposant. On ne lui posait pas des questions dérangeantes, on ne la regardait pas comme si elle allait exploser à tout instant. Avec lui, elle avait l'impression d'être normale, d'être la fille d'avant. Illyana s'avança vers lui et s'assit sur la banquette en face de lui et l'observa un moment avant de lui dire « Désolé pour le retard, j'étais coincé dans les embouteillages.» C'était un petit mensonge, on ne pouvait pas lui en vouloir, n'est-ce pas ? Puis entre un embouteillage et un petit saut en Enfer, il n'y a qu'un pas. Elle jeta un coup d'œil à la carte et eut une légère grimace « Est-ce qu'on sert des frites avec tout en Amérique ? La dernière fois, j'en ai vu dans une salade. C'est complètement illogique.» Non pas qu'elle faisait attention à sa ligne, mais elle trouvait l'Amérique étrange avec des coutumes bizarres.

(c) AMIANTE

@Andrew Gray

» (m) piotr rasputin • colossus.