stony + hopeless wanderer.

"Boss, Captain Rogers vient de pénétrer dans le domaine et s'approche à présent du manoir," déclare calmement Friday. Le coeur de Tony manque un battement et le fer à souder qu’il était en train d’utiliser lui échappe de la main. Dans un réflexe malheureux, il tente de le rattraper de l’autre et se brûle au passage. “Fuck,” grogne-t-il alors que le fer à souder tombe sur le sol avec un bruit sourd. Il s’accroupit pour le ramasser tout en portant son index à sa bouche, espérant dissiper un peu la douleur de la brûlure. “Tout va bien, boss?” demande Friday et il grogne à nouveau alors qu’il accroche le fer à son support.

Non, ça ne va pas.

Il ne prend même pas la peine de demander à Friday si elle est sûre qu’il s’agit bien de Steve, ce serait admettre qu’il a peut-être fait une erreur lors de la programmation de l’IA et Tony sait très bien que ce n’est pas le cas.
Ca veut donc dire que Rogers est bel et bien là, dans le jardin du manoir Stark, pour Dieu sait quelle raison. Après deux ans sans l’avoir vu, sans avoir eu de réelles nouvelles de lui, Steve est de retour à New-York et veut apparemment le voir.

Machinalement, Tony porte une main au réacteur ARC fiché dans sa poitrine. Il se souvient encore du coup de bouclier qui est passé à quelques centimètres à peine et qui aurait pu le tuer, si Steve n’avait pas dévié à la dernière seconde. Il se souvient de la rage sur son visage, de celle qu’il éprouvait lui-même alors.
Deux ans après, Tony se demande pourquoi il était autant en colère. Steve a toujours été quelqu’un d’affreusement borné, il le savait alors et s’il n’a pas apprécié que Cap ne se range pas de son avis, ça ne justifie clairement pas la rage qu’ils ont chacun finit par éprouver. Le combat qu’ils se sont livrés comme s’ils étaient subitement devenus ennemis.

Mais Tony n’a jamais vu Steve comme un ennemi. A giant pain in the ass, peut-être, surtout au début.

Un ennemi ? Non, peu importe combien Steve peut se tromper à ses yeux, peu importe qu’il puisse être terriblement agaçant, Captain America est bien trop bon pour que Tony puisse le voir ainsi.

“Que fait-il?” demande-t-il à Friday et il grimace en entendant le son de sa propre voix, un peu chevrotante.

Il n’a pas peur de Steve. Oh pendant une seconde, Tony a été terrifié, deux ans plus tôt. Et peut-être a-t-il éprouvé d’énormes difficultés à fermer les yeux les semaines qui ont suivi leur affrontement. Mais pour être tout à fait honnête, c’était plus par peur de ce que tous deux avaient été capables de faire pour leurs convictions.

“Captain Rogers est devant la porte d’entrée. Il semble hésiter. Devrais-je le faire entrer, ou activer l’Hulkbuster ?” demande Friday et Tony ne peut s’empêcher de laisser échapper un petit rire nasal.

“Montre-moi, Friday,” dit-il simplement et un hologramme d’une des caméras de sécurité qu’il a installées à l’entrée apparaît devant lui.

La première chose qu’il remarque est la barbe et il cligne des yeux plusieurs fois, comme hébété. Ce n’est pas vraiment la première fois qu’il revoit Steve en deux ans, Tony a des yeux partout et Cap a beau penser qu’il est un maître du déguisement et de la discrétion, il n’a pu empêcher de se faire capter par différentes caméras de sécurité ici et là. Et bien malgré lui, Tony a tout de même essayé de savoir ce qu’il faisait, pendant tout ce temps. Alors il l’a aperçu ici et là, trop flou pour vraiment se faire une idée. Cette fois, il le voit très clairement et c’est… étrange, Captain America avec de la barbe. Lui qui a toujours fait en sorte d’être parfaitement rasé et ce même en pleine guerre. Tony le sait, ça fait partie des choses que son père ne cessait de rabacher. Un détail inutile et terriblement agaçant parmi tant d’autres.

Il est bien là, planté devant la porte d’entrée, les sourcils froncés. Tony réalise qu’il retient son souffle et expire lentement, observant attentivement Steve qui ne semble pas savoir quoi faire.

Et puis il se détourne et Tony soupire. Coward, a-t-il envie d’hurler, même s’il est celui qui a refusé de faire le moindre pas vers Steve alors qu’il lui a laissé la possibilité de le faire - le maudit téléphone est planquée dans un tiroir de sa table de chevet, il ne l’a pas touché depuis qu’il l’a mis là en ne sachant pas quoi en faire d’autre.

Mais Steve fait à peine un pas pour s’en aller que déjà, il fait volte-face, avec cette expression qu’il a sur le visage à chaque fois qu’il s’apprête à se jeter tête la première dans un combat perdu d’avance.

God, Tony espère que ce n’est pas ce qu’il est venu faire ici, parce que la dernière chose qu’il souhaite c’est bien de se battre avec Steve.

Steve lève la main pour sonner mais Tony est plus rapide : “Friday, ouvre la porte.”

C’est mesquin, mais ça lui tire un sourire de voir Rogers sursauter légèrement lorsque la porte s’ouvre brusquement sans qu’il ait eu besoin d’annoncer sa présence. Tony le voit froncer les sourcils et il chasse l’hologramme d’un geste de la main avant de quitter le couloir dans lequel il faisait des travaux pour se diriger vers le haut du large escalier qui se trouve juste en face des grandes portes d’entrée.

Steve n’a pas bougé, il est planté là, devant la porte, et Tony se fige en haut des escaliers. Il se sent un peu stupide, vêtu d’un vieux t-shirt trop large pour lui - il a perdu du poids, Friday n’arrête pas de l’emmerder avec ça - et d’une paire de shorts de basket également trop grand, une tenue qu’il a enfilé pour passer une journée à rénover le manoir. Il a l’air de sortir du lit et certes, se lancer dans des travaux et de la soudure pieds nus et en short est totalement irresponsable, mais il n’y a que Friday pour le lui rappeler et Tony a tendance à ignorer ses recommandations quand il s’agit de sa propre sécurité.

Il se sent… vulnérable. Il ne l’est pas, il pourrait porter son armure en une fraction de seconde, mais c’est plus fort que lui, Tony a se dit qu’il aurait dû sauter dans un costard avant d’ouvrir la porte. Ca a toujours été son autre armure. Celle qui crie Mr Stark et I’m better than all of you.

Il se déteste d’en ressentir le besoin face à Steve, mais c’est plus fort que lui.

“Cap,” dit-il en levant un peu le menton. Ca aussi c’est ridicule, mais il ne peut pas s’en empêcher.

Ca fait un bail. Nul. Tu t’es perdu ? Encore pire. Si c’est un bon barbier que tu cherches, je dois avoir deux trois adresses à te conseiller. Mauvaise idée.

Il cherche, désespérément, quelque chose de plus à dire. Une réplique cinglante, quelque chose de plus intelligent et mature, n’importe quoi. Mais rien ne vient alors il se contente de rester planté là, les yeux rivés sur Steve.